mercredi 27 juin 2018

Compte rendu du livre « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans » de Fritz Perls (vingt-quatrième partie).



Esalen.


Je viens de lire un livre que j’ai trouvé à la fois passionnant, précis et instructif sur la création de la Gestalt-thérapie. Je voudrais vous en faire part à travers quelques articles de ce blog. Il s’agit de « Ma Gestalt-thérapie, une poubelle-vue-du-dehors-et-du-dedans »  de Fritz Perls.

Cet article est la suite de celui-ci.

Voici le résumé de ce livre.


On m’appela une fois dans un groupe pour calmer une fille qui s’attaquait physiquement à tous les membres du groupe. Ils essayaient de la maintenir et de l’apaiser. En vain. Sans cesse, elle se relevait et se battait. Quand j’entrai elle fonça vers moi, je reçus sa tête dans le ventre et elle faillit me renverser. Alors, je lui ai flanqué tout son content jusqu'à ce qu'elle tombe par terre. Elle se releva. Et puis une troisième fois encore. Je la fis tomber de nouveau et lui dis, haletant : « Ce n'est pas la première garce que je bats dans ma vie ! » Alors elle se leva, mit ses bras autour de mon cou et s'écria : « Fritz, je vous aime ! » Apparemment, elle venait de recevoir ce qu'elle avait réclamé toute sa vie.

Il est arrivé une fois quelque chose qui m'a vraiment fait peur. Beaucoup de patients refoulent leur agressivité et s'en prennent à eux-mêmes, par exemple en s'étranglant. J'avais pris l'habitude de les laisser m'étrangler à leur place. Jusqu'au jour où une fille essaya de le faire pour de bon. Je ne m'étais pas rendu compte qu'elle était schizoïde. J'avais déjà commencé à perdre conscience lorsque, au dernier moment, j'ai pu passer mes bras entre les siens et desserrer son étreinte. Depuis lors, je ne leur donne que mon bras à serrer. Et cela est parfois assez douloureux aussi. Il y a pas mal d'étrangleurs dans le monde. Avec les patients qui ont une bonne imagination, un coussin peut faire l'affaire.

Quant à moi, j'ai très peu tendance à devenir violent, à moins d'une provocation adéquate. Je peux me mettre en colère et, à deux reprises, j'ai flanqué des gens à la porte de mes séminaires. C'étaient des esprits destructeurs, intraitables, et qui refusaient de sortir. Quand on m'attaque, je renvoie les coups. La jalousie m'a quelquefois rendu violent, mais, en général, je me contente de torturer ma bien-aimée à l'aide de questions, en lui demandant sans pitié des confessions détaillées.

Quant aux jeux du sexe, au bain ou autrement, la réserve n'est pas mon genre. Freud m'aurait appelé un pervers polymorphe. Dans le temps, j'aimais à baiser pendant des heures, mais à présent, à mon âge, j'aime surtout me laisser exciter sans avoir besoin d'aller jusqu'au bout. J'aime ma réputation d'être à la fois un chaud lapin et un gourou. Malheureusement, le premier est sur le déclin et le second prend le dessus.

Un jour, nous avions une réception dans la « grande maison » d'Esalen. Une fille superbe était couchée sur un divan, très séduisante. Je m'assis près d'elle et lui dis quelque chose comme : « Méfiez-vous de moi, je suis un sale vieux bonhomme. — Et moi, dit-elle, je suis une sale jeune fille. » Nous eûmes, après cela, une courte et délicieuse liaison.

Dans l'ensemble, ce que j'écris me plaît. Je n'aurais jamais cru que cela serait aussi facile. Je pense déjà à la possibilité d'écrire une pièce — je ne l'imagine pas encore. C'est encore très vague. Et, étant bon acteur et bon producteur, je ferais de l'ensemble une Fritz Production. En ce moment même, une foule de gens se pressent dans ce bouquin, ricanant de ma paillardise, me méprisant pour mon manque de contrôle, choqués par mon langage, m'admirant pour mon courage, embrouillés par la multitude de traits contradictoires, désespérés de ne pouvoir me classer. Je suis tenté d'entamer un dialogue, mais...

La fenêtre est grande ouverte. Faible murmure menaçant du ressac. Une douce brise soulève par instants les papiers sur mon bureau, trop faible pour les faire s'envoler. Comme ma barbe douce qui chatouille le visage et les seins d'une jeune fille, les fait frissonner de plaisir silencieux, en fait saillir fièrement les mamelons dans l'attente patiente d'une légère morsure.

Mes mains sont fortes et chaudes. Les mains d'un sale vieux bonhomme sont froides et collantes. J'ai de l'affection et de l'amour — beaucoup trop. Et si je réconforte une fille qui a du chagrin ou qui souffre, et que les sanglots se calment, et qu'elle se serre contre moi, et que les caresses perdent leur rythme et glissent le long des hanches et sur les seins... Où un parfum commence-t-il à changer votre nez qui coule en narines qui le respirent ?

Ces rencontres et ces découvertes sont comme la température à Big Sur. Certes, nous n'avons ni le gel ni les fortes chaleurs. Mais entre les deux il n'y a pas cette indolence de la monotonie comme sur une île des tropiques. Le froid est froid et on frissonne. La pluie est humide, le sol boueux. Le soleil chauffe les toits l'après-midi jusqu'à la suffocation. Mes rapports humains ne tombent pas dans les deux extrêmes. Je ne tue pas et je ne me laisse pas piéger par la monogamie. J'ai des relations flottantes allant du baiser — qui n'est que trop fréquent — à des fidélités de longue durée.

Le premier baiser est un test de Rorschach
Vous touchez la bouche et les lèvres d'un inconnu
Et trouvez des lèvres serrées « Ça m'est égal »,
Ou la voracité qui vous aspire,
L'indifférence qui vous teste,
Un sec coup de bec qui vous chasse,
Un avertissement gentil : gare au bobo
Un coup de dents qui blesse et vous coupe le souffle,
Une bouche qui pue la merde
Ou sèche et sentant la frigidité,
Ferme comme un bras de lutteur
Molle comme caoutchouc-mousse
Et celles rares qui signifient plénitude :
Attente qui semble promettre
Une fusion totale.
L'environnement aboli
Dans l'isolement de l'extase.
Chaque baiser, dis-je, est tout autre
Si vous découvrez le subtil
Bien engagés dans le vivant.
Die Engel die nennen es Himmelsfreud
Die Teufel die nennen es Höllenleid
Die Menschen die nennen es Liebe (H. Heine)
(Les anges l'appellent « Joie du ciel »,
Les démons « Torture d'enfer »,
Les hommes l'appellent « amour ».)

Esalen avait commencé comme auberge, avec l'attraction particulière des bains chauds. A mon arrivée, c'était encore une auberge, les séminaires et conférences commençaient à peine et le bar et le restaurant étaient ouverts au public. Les aubergistes étaient Mike Murphy et Dick Price. A présent, nous sommes une institution privée en expansion, gérée par les directeurs Mike et Dick. Les escrocs urbains de passage et les colporteurs de drogue nécessiteux sont écartés ou jetés dehors. Nous passons pour procurer la guérison immédiate, la joie et la conscience sensorielle instantanées.

  

Voilà. C’est tout pour le moment comme dans les séries télé américaines ou les romans-feuilletons du dix-neuvième siècle. Amitiés à tous.


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